Introduction

Le climat méditerranéen qui caractérise le Maroc est devenu hautement vulnérable aux changements climatiques qui sont ressentis principalement suite à la hausse des températures, variabilité de la pluviométrie inter et intra-annuelle et des années de sècheresses récurrentes. L’impact de ces changements du climat sur le rendement des céréales au Maroc est devenu très répandu avec une intensité un peu élevée d’une année à l'autre. La préservation du sol et de l’eau est devenue une nécessité.
Parmi les systèmes de production offrant une solution efficace et durable pour faire face aux aléas du changement climatique on trouve le système d’Agriculture de Conservation (AC).

L’AC représente une alternative à l’agriculture conventionnelle basée sur les travaux intensifs des sols, elle permet d’inverser la faible productivité agricole et la dégradation des ressources naturelles (sol et eau). Selon la FAO : L'Agriculture de Conservation  est un concept de gestion des agroécosystèmes qui a pour but l'amélioration soutenue de la productivité, l'augmentation des profits ainsi que de la sécurité alimentaire tout en préservant et en améliorant les ressources naturelles et l'environnement. Parmi ces principes on trouve le système du semis direct.

Origines et Histoire du semis direct

La préservation des ressources n’est pas une idée récente,  depuis longtemps, les agriculteurs dans le monde essaient de trouver des solutions adaptées pour éviter la dégradation des sols. Les états Unis ont été le premier pays au monde à utiliser et développer le semis direct en grandes cultures, cela a été dû à plusieurs causes notamment au début des années 30, une forte sensibilisation des agriculteurs vis-à-vis des phénomènes d’érosion, notamment éolienne. L’évolution de ce système et son adoption au niveau mondial ont connu un retard à cause de plusieurs facteurs limitants, à savoir la gestion des adventices et le développement des semoirs adaptés aux conditions des sols et du climat.

Au Maroc, ce système a été introduit au début des années 80 dans le cadre d’un partenariat entre L’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) et L'Agence des Etats-Unis pour le Développement International (USAID) ayant pour objectif la création d’un centre de recherches en aridoculture. 
Les travaux de recherche menés par les chercheurs de l’INRA en zones semi-arides marocaines, ont montré la nécessité d’adapter la technique du semis direct afin d’améliorer la qualité des sols marocains. Par conséquent, une étude a montré que l'agriculture de conservation, qui consiste à conjuguer le semis direct à une rotation adéquate et au maintien d’une couverture permanente du sol, a été introduite dans les zones arides du Maroc en réponse aux questions de conservation des sols, d'atténuation des effets de la sécheresse et de gestion de la qualité des sols.

En effet, face aux changements climatiques et à la rareté des précipitations, il est nécessaire de se pencher sur des modèles territoriaux de transition agro-écologique de l’agriculture qui puissent mettre à l’échelle des mesures variées et complémentaires d’adaptation.

Principes de l'agriculture de conservation

Les trois principes de l’agriculture de conservation sont les suivants: 

Une perturbation mécanique minimale des sols, Aucun travail du sol (Le semis direct).

Une couverture organique des sols permanente (d’au moins 30%) faite de résidus végétaux et/ou de cultures de couverture.

Une diversification des espèces cultivées, obtenue en cultivant successivement plusieurs espèces (au moins trois) ou en les  associant.

 

Bienfaits agronomiques

Le semis direct permet d'augmenter la capacité de stockage du sol en eau et l'amélioration des bilans hydriques des parcelles, et cela à travers la limitation de la perte d’eau par évaporation. En outre, cette technique protège le sol contre l'érosion hydrique ou éolienne grâce à la couverture de résidus. D'autre part, le système semis direct facilite l'accès au champ pour la réalisation des différentes opérations culturales en temps voulu (en particulier le traitement contre les mauvaises herbes et la fertilisation de couverture qui nécessitent une rapidité d'intervention).
La technique du semis direct permet également la réduction de la quantité de semences utilisée, ce qui diminue la concurrence des plants tout au long du cycle dans les conditions de sécheresse, l'augmentation de la tolérance des cultures aux conditions de stress hydrique dans les zones arides et la meilleure utilisation des premières pluies.
En ce qui concerne l'effet sur les caractéristiques physico-chimiques du sol, on peut citer l'amélioration de la fertilité, l'activité biologique ainsi que la structure du sol grâce à l'augmentation du taux de la matière organique dedans.

Bienfaits environnementaux

Il assure une contribution éminente à la séquestration du carbone et il limite les émissions de GES liées à l'utilisation des machines (tracteurs), ce qui minimise les risques qui peuvent être dus aux changements climatiques vis-à-vis de l'environnement. On cite également la contribution de semis direct dans l'amélioration de la biodiversité.

Socio-économiques

Ces avantages se traduisent par une réduction des coûts de travail du sol. Cette réduction s'est située entre 900 à 1200 DH/ha, soit plus de 80% du coût global dédié aux travaux du sol et à la préparation du lit de semis.  Dans le même sens, on peut mentionner d'autres avantages tels que :

  • Réduction des coûts des semences de 100 à 130 DH/ha soit 30 à 35%.
  • Economie des frais du labour : réduction du nombre de passages des tracteurs et par conséquent une réduction de la consommation du gasoil.
  • Gain du temps suite à l'absence de la préparation du sol.
  • Diminution de la charge du travail pour les agriculteurs.

 

Semoir semis direct

La mécanisation reste le premier poste de charge des exploitations, les choix en matière d’agroéquipement et de stratégie de mécanisation ont donc un impact direct sur le revenu des agriculteurs, mais également sur leurs conditions de travail et leur capacité à valoriser de nouvelles techniques (ADA, 2016).

En fait, une panoplie de critères sont à prendre en considération lors de la réflexion pour l’acquisition d’un matériel de semis direct à savoir (Bourarach, 2018) :

  • Capacité de pouvoir semer dans les conditions locales de travail (nature et état du sol, nature et état du couvert) ;
  • Capacité de pouvoir semer les cultures envisagées (petits ou gros grains, doses minimales et maximales, type de distribution) ;
  • Caractéristiques dimensionnelles (largeur de travail, interligne (fixe/réglable), capacité trémie d’engrais, capacité de trémie et semences).

Généralement, la connaissance des caractéristiques et des objectifs assignés à l’exploitation agricole outre les besoins à satisfaire pour les atteindre (cultures, superficies, systèmes de production, types de sol, puissance des tracteurs et climat) est considérée comme étant la base primordiale du choix d’un semoir direct. 

Les principaux types de semoirs de SD les plus utilisés au Maroc, sont les semoirs de SD  à socs et les semoirs de SD à disques. Le tableau ci-dessous résume quelques avantages et inconvénients de chaque type.

Avantages et inconvénients du semoir à disque et semoir à socs
Avantages Inconvénients
Perturbation minime du sol Poids excessif
Résidus peu déplacés Capacité de pénétration insuffisante
Interlignes plus étroites Entretien fréquent des pièces roulantes
Emplacement régulier de l'engrais et de la semence dans le sol. Fermeture non convenable des sillons dans le cas des sols lourds
Semoir adapté aux terrains avec beaucoup de mulch

Semoir inadapté aux terrains caillouteux

Semoir à socs
Avantages Inconvénients
Utilisation sur tous les terrains Perturbation excessive du sol surtout à cause des larges socs
Semoir compact porté sur attelage L’irrégularité de la profondeur du semis
Meilleure pénétration  du sol Non adaptation aux terrains avec beaucoup de mulch
Besoin minime d'entretien Déplacement des résidus
Poids relativement léger

Non adapté aux sols avec nivellement

 

Les semoirs de SD à socs sont les mieux adaptés pendant la phase de transition du système conventionnel au système de semis direct (Agriculture de conservation).

Contrairement aux semoirs utilisés dans le système conventionnel, qui sont adaptés au travail au niveau des sols préparés et qui ne contiennent pas de résidus de cultures, les semoirs SD se distinguent par la capacité de mettre en place les graines et les engrais dans un sillon sans aucune perturbation du sol. Dans le même contexte, le type de semoir est qualifié comme facteur clé pour réussir l'opération de semis, c'est pour cette raison que ce semoir doit être caractérisé par :

  • Capacité de pénétration du sol avec une perturbation minime.
  • Capacité de mettre en place les graines dans un sol qui contient des résidus de cultures.
  • Meilleur contrôle de la quantité de semences / ha et leur emplacement à une profondeur adéquate. 

 

Introduction

Face aux changements climatiques et à la rareté des précipitations, il est nécessaire de se pencher sur des modèles territoriaux de transition agro-écologique de l’agriculture qui puissent mettre à l’échelle des mesures variées et complémentaires d’adaptation. C’est dans ce cadre que le groupe OCP, à travers son programme Al Moutmir, a lancé durant la campagne agricole 2019-2020, en partenariat avec l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) et l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P) une action d’envergure de promotion de ce système dans plusieurs régions du royaume, avec plus de 72 communes territoriales réparties sur 18 provinces. Pour la campagne agricole 2020-2021, et suite aux résultats très encourageants de la première phase du programme, OCP prévoit  l’installation du double de la superficie couverte durant l'année 2019-2020 et passer ainsi de 10 000 ha à plus 20 000 ha au niveau de plus de 100 localités dans 23 provinces réparties sur différentes zones agro-climatiques.

Cette initiative intervient dans le cadre des efforts déployés par OCP en vue de contribuer à la promotion et à l’accélération des mesures d’adaptation de l’agriculture marocaine aux changements climatiques via un développement agricole résilient. En effet la mise à la disposition des OP de plus de 35 semoirs, a permis dans sa première phase de couvrir plus de 10000 ha, dominée principalement par les céréales qui représentent 95% et faisant ainsi bénéficier plus de 2000 agriculteurs et agricultrices, et avec  plus de 4000 agriculteurs bénéficiaires, la deuxième phase ciblera les céréales et légumineuses en premier lieu, mais aussi d’autres cultures à fort potentiel comme les oléagineuses pour l'année suivante.

D’après Dr. EL Mzouri El Houssine, expert en grandes cultures et en semis direct : Les efforts du programme Al Moutmir, viennent assurer la continuité des efforts du ministère en accélérant son adoption par les petits et moyens agriculteurs notamment grâce au dynamisme de son jeune équipe d’agronomes et à leur force de conviction et d’attraction capable de fédérer tous ces partenaires autour du projet.

Récolte de la plateforme de démonstration de semis direct dans la province de Settat

Pour atteindre ses attentes, le programme Al Moutmir a déployé un plan d’action intégré en collaboration avec les différents partenaires, institutionnels et autres.

Actions Objectifs
Sélection et sensibilisation des OP porteuses et agriculteurs dès la fin de la campagne 2018/2019 Convaincre les agriculteurs de laisser les résidus des cultures précédentes sans labourer leurs terrains
Formation des membres et tractoristes des OP en réglage et maintenance des semoirs Optimiser l’utilisation des semoirs et éviter les problèmes logistiques
Acquisition de nouveaux semoirs et leur mise à la disposition des OP porteuses Faire face à la demande existante et potentielle
Suivi et accompagnement par l’équipe d’agronomes du programme Al Moutmir Accompagner et encadrer les agriculteurs dans  le suivi technique des plateformes de démonstrations (PFD)
Organisation de démonstrations et écoles au champs autour des PFD de semis direct Partager les résultats obtenus avec les populations riveraines et les inciter à adhérer au programme
Identification des zones à fort potentiel et des OP actives capables de porter le projet dans leurs régions Extension des zones cibles 
Participation aux journées de communication sur le semis direct en collaboration avec les partenaires Fédérer les partenaires institutionnels autour du programme
Organisation des visites aux PFD de semis direct au profit des agriculteurs des zones cibles Prospecter de nouvelles zones pour ouvrir de nouvelles perspectives
Installation, suivi et analyse des résultats des PFD  Analyser scientifiquement les résultats pour en tirer des conclusions valables
Fabrication des socs et pièces de rechanges au niveau des ateliers centraux OCP Faire face à l’usure du matériel et aux pannes
Elaboration des rapport des PFD par province et par zone agro-climatique Identifier les régions les mieux adaptées à ce système et partager les résultats
Elaboration de documents et contenus multimédia multicibles Vulgariser le système et le programme sur une grande échelle
Organisation de webinaires et d’un Open Innovation Lab en fin de campagne  Partager, évaluer les résultats obtenus et définir des modalités d’amélioration et de développement 
Les plateformes de démonstration : Voir c'est croire!

Afin de mettre en évidence les avantages du semis direct par rapport au système conventionnel, plus de 600 plateformes de démonstration (PFD) ont été mises en place au niveau de toutes les zones concernées par le programme.
Le principe est de conduire, une parcelle de 1 ha en semis direct et une autre en mode conventionnel (avec labour profond du sol et préparation du lit de semis), côte à côte et avec la même conduite technique en matière d’intrants agricoles (engrais de fond, semences sélectionnées, engrais de couverture et produits phytosanitaires) avec les mêmes doses et selon le même itinéraire technique. La répartition des PFD s’est faite selon la vocation de chaque province et l’importance de la filière céréales et légumineuses dans la région.

Dispositif expérimental des plateformes de démonstrations, semis direct vs semis conventionnel

 

La répartition des plateformes s’est faite conformément à la vocation nationale puisque 61% des PFD ont concerné le blé tendre, 19% et 18% respectivement de blé dur et d’orge et 2% de Féverole.

Malgré les conditions climatiques spéciales de la campagne agricole 2019-2020, qui a été caractérisée par une faiblesse et une mauvaise répartition des précipitations dans toutes les zones agro-climatiques. L’analyse des résultats obtenus a donné une nette supériorité des PFD céréales en système semis direct à tous les niveaux et durant tous les stades, à savoir :

  • Un taux de levée supérieur en moyenne de 12% par rapport aux PFD conventionnelles
  • Une moyenne de densité de peuplement supérieure de 10 à 30%.
  • Un rendement en grains supérieur de plus de 23% en moyenne.
  • Un meilleur score de résistance au stress hydrique aux stades tallage et montaison avec précocité dans l’épiaison dans les zones Bour défavorable.
  • Une amélioration moyenne de 10% dans l’homogénéité du couvert 
  • Limitation de la perte d’eau par évaporation et une meilleure utilisation de la réserve en eau du sol

De même, les rendements obtenus en PFD de semis direct ont été largement supérieurs à ceux obtenus en conventionnel, la différence était très variable allant de 3% à 188%. Il convient aussi de mentionner que dans certains cas, notamment en zones semi-arides et arides, des plateformes conventionnelles ont été sinistrées (pâturées), alors que celles conduites en semis direct ont enregistré des rendements allant jusqu’à 12 Qx/ha (le cas de Settat et Safi).
D'autre coté, et sur le plan socio-économique, les parcelles de semis direct ont été caractérisées par des améliorations très importantes en comparaison avec celles de semis conventionnel. Ces améliorations se reflètent généralement par : 

  • Une réduction des coûts de travail du sol. Cette réduction s'est située entre 900 à 1200 DH/ha soit plus de 80% du coût global dédié au travaux de sol et de préparation du lit de semis ;
  • Une réduction des coûts de semence de 100 à 130 DH/ha soit 30 à 35% ;
  • Gain de temps (Pas de préparation de sol ni lit de semences);
  • Une diminution de la pénibilité du travail pour les agriculteurs.

 

Plateformes de Démonstration de semis direct dans la province de Ouazzane

En guise de conclusion, les recherches scientifiques effectuées au niveau national et international sur le mode de semis direct ont montré qu’il s’agit d’un mode de base de l’agriculture de conservation, et qui s’est confirmé comme une alternative à l’agriculture conventionnelle qui a montré son inadaptation aux nouvelles données climatiques notamment le manque et l’irrégularité des précipitations enregistrées durant la campagne 2019/2020. 
Les résultats des plateformes du semis direct du programme Al Moutmir restent très encourageants, cela devrait inspirer tous les acteurs du secteur agricole national, institutionnels ou privés pour dédoubler, fédérer, et synchroniser les efforts afin de promouvoir ce système et assurer son adoption par un grand nombre d’agriculteurs dans les différentes régions. Cette première phase du programme Al Moutmir de semis direct a montré qu’en facilitant l’accès des agriculteurs aux semoirs d’une manière structurée et avec une approche participative intégrant leurs organisations professionnelles locales actives on peut facilement augmenter les superficies couvertes par ce système. Le choix des régions à fort potentiel et le suivi et accompagnement sont aussi un facteur déterminant pour atteindre les objectifs.